Gérard Pairé est un artiste peintre
né le 11 mai 1950 à Nantes, en France
Cet artiste discret, silencieux, n’a jamais cessé d’exposer, sauf de 1982 à 1992 années durant lesquelles il a refusé de montrer son travail. Première exposition en galerie en 1975, puis expositions à Nantes, Dallas, Strasbourg, Lille, Paris, Chicago, New York, Séoul, Bruxelles, Dubaï, Al Fujairah etc
C’est un peintre qui est fait autant par son art qu’il fait de la peinture, et cela nous montre que la contingence dans la démarche d'un artiste (et dans chaque vie d'ailleurs) est d'une suprême importance. Il semble que les aléas de son parcours pictural croisent souvent ses aléas profonds et privés (notamment le lieu de sa naissance: les berges de l'estuaire de la Loire), sans oublier ceux de la réalité de son époque. Il ne les analyse et n'en réalise la portée souvent qu’après coup.
Après des débuts plutôt naïfs, il s’est très rapidement et profondément métamorphosé par toutes les lectures savantes qu’il fit avec passion. Celles-ci furent d'ailleurs extraordinairement enrichies et consolidées durant quelques décennies par ses nombreux voyages et séjours artistiques de part le monde.
Son constant besoin de voir et de faire de la peinture, est nourri par son grand plaisir et désir d'être étonné (et étonné surtout par ce qui lui échappe). Il nous raconte qu'il est important de voir non seulement de quoi l'on parle, mais surtout d'où ça parle. Ce qui nous éclaire ainsi sur celui qui regarde.
Il semble faire sourdre les choses ensemble tout
en exprimant l'impermanence, la précarité, les flux depuis ses "Sables" de 83, ses "Plis" marouflés sur toiles de 1984/85 (premières grilles, 
excroissances épidermiques du peintre comme dans ses "Tapisseries" de 1975 à 1981), jusqu’aux oeuvres les plus récentes.
Il admira très tôt Titien, Vélasquez, Goya, Manet, Bacon puis l’abstraction américaine etc, car pour lui, chez ces géants de l’art le psychisme s’est incorporé dans la technique picturale. Ils se sont servis de la lumière pour malaxer la peinture - qualités qui participent autant de la technique que de la métaphysique, et donnent un art à même de transcender la matière qui la constitue, capable d'être à la fois peinture et esprit-matière inerte et énergie pure.
Ce peintre dit: " J’aime la peinture qui me montre l’essence d’elle-même et celle des choses. Elle m’a montré ce qui ne peut se dire, et semble si difficile à penser. C’est sans doute aussi pour cela que je préfère parler de coloris plus que couleur, car il est encore plus difficile d’en parler."
Il met l'accent sur une chose essentielle, me semble-t-il en jouant avec le rendu brut de la peinture et en utilisant ses qualités plastiques, matérielles: les coulées sur le sol de l’atelier dans les années 1990, celles involontaires des années 2000 sur les instruments de son travail (celles en autre qui sont à la naissance de ses oeuvres numériques), puis les projections de peintures, jusqu'à l'utilisation des peintures aérosols en 2020 (les purges des buses d’aérosol sur des cartons à l'atelier), ainsi que le réel des châssis retournés depuis quelques années. Cette observation et utilisation essentielle nous montre que pour lui la peinture est aux prises avec l’ordre profane et matériel du tableau. Pourrait-on oser y voir des similitudes conceptuelles avec les aplats des épanchements des figures de Francis Bacon, ou avec les projections ou autres jets d'eau éruptifs de ce dernier?
Il s’agit donc pour lui de créer une pure présence poétique, autour de thèmes récurrents: les concepts véhiculés par le "pli" (cher à Gilles Deleuze), la peau, les voiles, et de glissement en glissements les mailles, les rideaux, ou autres trames et chaînes. Toutes ces "Grilles" (volonté de silence de l'art moderne, hostilité à l'égard du discours?) ne sont-elles pas aussi assez proches des cages coercitives, des structures tubulaires de Bacon qui fixent, enserrent les figures, métaphore de la condition humaine?
Il ne s’arrête qu’au pli des apparences que pour mettre en oeuvre la ductilité du vivant. Dans les oeuvres récentes, la pleine maturité des années 2020, il y a comme un accroissement ou des résurgences d’intensité chromatique de formes devenues des sortes de « fascias » en déconfiture, parfois d'ailleurs derrière des "grilles" elles-mêmes déstructurées.
Comme l'esprit complexe du grand maître d'Aix-en-Provence
(Cézanne) il tente de lier les contraires. Ne sommes-nous pas au coeur de la tragédie antique, entre les principes « apolliniens » visant à la clarté de la forme, et leurs complémentaires « dionysiens », l’informe ? Cet artiste oscille entre le variable, la précarité de l’apparence, l'indignité biologique du mouvement de la vie, et « l’essence » à laquelle appartient l’immuable, le fixe, la conception mathématique, la beauté aux contours clairs et définis.
Il aime en premier lieu le côté énigmatique dans une oeuvre d’art et son ouverture à un au-delà de la matière dans la matière même. Il nous parle d’immanence et non de transcendance, ou alors c’est la transcendance dans l’immanence: le spirituel du corps dans le corps même.
Notre perception du monde est de plus en plus fluide et immatérielle et cet artiste revendique la chair de la peinture; il l’exhibe et la délivre en toute liberté sur la toile; comme pour mieux nous dire que dans la peinture ce qu'il y a d'essentiel c'est la Peinture, et pour donner une énergie suffisamment féconde.
Il nous rappelle qu'en regardant une oeuvre d’art on apprend à mieux « voir » le monde, et aussi à mieux connaître ce que c’est que l’Art.
J-P Germain

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Traduction par Hervé Thily

Gérard PAIRE, born in Nantes in May 1950, is a French artist painter. This unconspicuous and silent artist never stopped exhibiting, except from 1982 through to 1992, a period when he formally decided not to display his paintings. First exibits in gallery in 1975, followed by Nantes, Dallas, Strasbourg, Lille, Paris, Chicago, New York, Séoul, Bruxelles, Dubaï, Al Fujairah etc
He is a painter modelled as much by his art as by his paintings. This shows that contingency in the progress of a painter – and similarly in any person’s life – is paramount. It seems that his personal pictural mishaps echo with his deep-rooted  intimate background, as, for instance, his birthplace, the banks of the Loire river estuary, together with events of the time. More often than not, he grasps and fully understands the scope of events only afterwards.
After rather naive debuts, he quickly and radically changed due to his scholarly readings, which he clearly indulged in. These readings were dramatically supplemented in the following decades by his numerous journeys and artistic stays the world over.
At all times, he feels the urge to see and create paintings. He feeds on his pleasure and desire of being startled (and especially startled by what he cannot grasp). His works tell us over and over again how important it is to see what painting is about and, primarily, where it stems from. As a result, he focuses on who the looker-on is.
He seems that he manages to unveil things altogether while expressing impermanence, precariousness, flux, from his « Sands » of 1981, his « Folds » mounted on s in 1984-85 : first grid-epidermic outgrowths of the painter, conveyed in his « Tapestries » from 1975 to 1981, through to his later works.
He was an early admirer of Titian, Velasquez, Goya, Manet, Bacon and was later influenced of American abstraction aso, as he genuinely believes that in the works of those artistic giants, psyche successfully mingles with pictural craft. Each and everyone of them used light to mix painting – a craft referring to both technique and metaphysics, giving art the possibility to transcend the matter it is made with and enables it to be both paint and inert spirit-matter and sheer energy.
The painter claims « I love the painting which shows the essence of itself and of all things. It has showed me what cannot be uttered and what seems so hard to apprehend. This is the reason why that I would speak of shades rather than colours as it is even more difficult  to describe" .
He stresses the importance on something he considers essential when harping on the rough effect of paint and making use of its plastic, material qualities. The paint droppings on the floor of his workshop in the 1990s, the unintentional ones of the 2000s on his tools (the very droppings that gave birth to his digital works, and next, the paintsprays in the 2020s (as, for instance, the cleaning gushes of the nozzles on cartons in the workshop) and, more recently, the deliberate back-to-front display of the chassis.
This essential observation and technique show that for him painting is clearly dealing with the material and profance order of the canvas. One cannot help seeing conceptual similarities with the flat tints, the poured paints and the spillages of Francis BACON’s figures.
Creating some kind of a poetic presence is clearly his goal, around recurring themes ; the concepts conveyed by the « fold », so central in G. DELEUZE’s writings, the skin, the veils and the irresistible slidings, the meshes, the grids, the curtains and similar warps and wefts. Aren’t all those « meshes » (a deliberate mute message in Modern Art ? An openly rejection of discourse ?) closely connected to coercitive cages, to Francis BACON’s tubular strutures which emprison and clamp figures, metaphors of the human condition ?
When pondering on the fold of appearances, he only wants to highlight the ductility of the living. In his more recent works, in the glowing maturity of the 2020s, there seems to be increasing resurgences of chromatic intensity in shapes grown into kinds of fasciae in disarray, sometimes lurking behind destructured « grids ».

As the complex Maitre of Aix-en-Provence (CEZANNE), he is keen on connecting contraries. Are we not at the core of ancient tragedy torn between Apollinian principles bent on stressing the clarity of shape and their Dyonisian counterparts, advocating the opposite ?
The artist flitters between the ever-changing, the precariousness of appearances, the biological indignity of the movement of life and the « essence », the realm of the immutable, the fixed, the mathematical concept, beauty with its specific and clear outline.
Most of all, he loves the enigmatic aspect of a work of art and its connection to a « beyond » matter lying deep within matter itself. His discourse is on immanence and definitely not on transcendence or, if it is, it is then on transcendence within immanence ; the spirit of the body in the body itsef.
Our perception of the world is increasingly fluid and immaterial and the artist aims at the flesh of the painting ; he displays and frees it on the canvas, as if to convince us that what painting is really about is a painting which releases a sufficiently fecond energy
He reminds us that when paying closer attention to a work of art, one learns how to better apprehend the world and how to become more familiar with Art.
Photographie par David Pairé

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